Vers une Orthodontie Durable : Comment Réduire l’Impact Environnemental des Aligneurs Transparents

Mar 16, 2025

Salut à tous, aujourd’hui on se retrouve pour parler d’un nouvel article scientifique Towards Sustainable Orthodontics: Environmental Implications and Strategies for Clear Aligner Therapy (Macrì & al 2024) qui s’intéresse aux répercussions environnementales des traitements par aligneurs transparents.

Pourquoi est-ce important ?

Les déchets plastiques et l’empreinte carbone sont devenus des enjeux mondiaux, et la dentisterie, comme d’autres industries, doit désormais envisager des approches plus écologiques et responsables.

Cet article nous plonge au cœur d’une problématique émergente : comment continuer à proposer des soins orthodontiques performants et innovants, tout en limitant l’impact écologique de ces traitements de plus en plus prisés ?


L’impact Environnemental des Aligneurs : Un sujet préoccupant

L’étude met en lumière la quantité croissante de déchets plastiques générés par les aligneurs dentaires, souvent produits à base de polymères dérivés du pétrole (PET, PETG, TPU, etc.). Un seul traitement orthodontique peut nécessiter des dizaines d’aligneurs, parfois jetés directement à la poubelle, sans tri ni recyclage. À grande échelle, cela représente plusieurs tonnes de plastique s’accumulant dans les décharges ou pire dans la nature.

Par ailleurs, des microplastiques peuvent se détacher de ces aligneurs, potentiellement nocifs pour la santé humaine et l’environnement. Le fait que ces dispositifs entrent en contact direct avec la cavité buccale, pour ensuite être jetés, soulève également la question de la gestion des déchets médicaux.


Les Origines et l’Évolution des Aligneurs Transparents

Les aligneurs transparents existent depuis plus d’un demi-siècle, mais leur succès commercial a explosé depuis l’apparition d’Invisalign à la fin des années 1990. Grâce à l’avancée des technologies CAD/CAM et à l’impression 3D, ces dispositifs permettent une correction efficace des malocclusions, tout en répondant aux exigences esthétiques actuelles.

Toutefois, l’article souligne un point essentiel : l’offre grandissante d’aligneurs va de pair avec la hausse de la production de modèles 3D (impressions successives pour thermoformer chaque aligneur) et de matériaux de post-traitement, ajoutant encore à la masse de plastiques utilisés.


Des Solutions Possibles : Les 4R au Service de l’Orthodontie

Pour faire face à ce défi, les auteurs mettent en avant la stratégie des 4R : Réduire, Réutiliser, Recycler, Repenser. Voici quelques pistes concrètes :

  1. Réduire :
    • Limiter la surproduction d’aligneurs en scindant leur envoi au cabinet dentaire (au lieu de tout produire d’un coup).
    • Sensibiliser les patients à un port régulier (20-22h/jour) pour éviter de prolonger inutilement la durée du traitement et d’ajouter des aligneurs supplémentaires.
    • Opter, quand c’est pertinent, pour un traitement par bagues si cela peut raccourcir la durée de soin et réduire la consommation de plastique.
  2. Réutiliser / Recycler :
    • Mettre en place une filière de collecte et de valorisation des aligneurs usagés.
    • Utiliser des matériaux partiellement recyclés dans les impressions 3D.
    • Développer des polymères biodégradables ou issus de matières renouvelables.
  3. Repenser :
    • Développer de nouveaux plastiques directement imprimables en 3D pour éviter l’étape du thermoformage et l’utilisation de modèles intermédiaires.
    • Éduquer les patients au tri sélectif et à la bonne élimination des dispositifs médicaux.
    • Explorer l’intégration de polymères à mémoire de forme (un seul aligneur pouvant effectuer plusieurs déplacements dentaires).
Carte conceptuelle pour une orthodontie durable – extrait de l’article
 » Towards Sustainable Orthodontics: Environmental Implications and Strategies for Clear Aligner Therapy « (Macrì & al 2024)

L’Impression 3D : Entre Progrès et Vigilance

Les procédés d’impression 3D gagnent du terrain pour la fabrication d’aligneurs ou de modèles. Cette technologie additive permet de créer des pièces sur-mesure, couche par couche, réduisant les pertes de matériau par rapport à l’usinage traditionnel. Toutefois, les auteurs mettent en garde :

  • Les résines utilisées ne sont pas toujours biodégradables.
  • Le post-traitement (nettoyage, polissage, etc.) génère également des résidus chimiques et plastiques.

Il est donc crucial de développer des filières pour gérer ces déchets, mais aussi de poursuivre la recherche sur des matériaux plus verts (par exemple, des résines monomer-free).


L’Éducation des Patients et le Rôle du Professionnel

Un axe fort de cette étude souligne la responsabilité de chaque acteur :

  • Les entreprises : doivent innover pour proposer des traitements plus « verts » (matériaux recyclables, envois d’aligneurs échelonnés…).
  • Les orthodontistes : doivent informer les patients sur l’importance de porter les aligneurs de manière optimale et de ne pas les jeter n’importe comment.
  • Les patients : peuvent participer à des programmes de collecte, rapporter leurs aligneurs usagés au cabinet ou en point de recyclage, et s’engager dans une démarche responsable.

Les Défis Restants et Perspectives d’Avenir

Malgré les recommandations présentées, plusieurs enjeux restent à relever :

  • Manque de standardisation : Peu de données existent sur la quantité exacte de déchets générés par chaque traitement ou sur le potentiel de recyclage des différents types de plastiques utilisés.
  • Recherche insuffisante : Les études sur l’impact des microplastiques issus des aligneurs sont encore limitées.
  • Coûts et incitations : Les solutions durables doivent s’avérer économiquement viables pour être adoptées à grande échelle.

L’avenir pourrait passer par l’apparition de nouveaux polymères biodégradables, l’amélioration continue des résines d’impression 3D, et la sensibilisation accrue des professionnels et des patients.


Vers une Orthodontie Éco-Responsable

En définitive, ce nouvel article scientifique démontre qu’il est urgent de réconcilier qualité des soins et respect de l’environnement. Les aligneurs transparents sont un progrès majeur en orthodontie, mais leur popularité doit aujourd’hui s’accompagner d’une réflexion sur leur cycle de vie et leurs déchets.

Adopter des méthodes plus vertes (optimisation des procédés, matériaux recyclés, collecte des aligneurs usagés) permettrait à la fois de limiter l’empreinte carbone et de répondre à l’enjeu de santé publique qu’est la gestion des plastiques. À terme, c’est aussi l’image de la profession qui y gagnera : offrir de beaux sourires tout en protégeant la planète, voilà une mission qui a de l’avenir !


Avis personnel

Cet article, très intéressant, soulève de véritables problématiques autour de la pollution plastique et des enjeux de durabilité en orthodontie. À sa lecture, plusieurs questions émergent :

  • Que représentent vraiment les aligneurs dans la masse de plastique utilisée au quotidien ?
    À l’échelle mondiale, nos objets du quotidien contiennent déjà énormément de plastique (emballages alimentaires, textiles synthétiques, etc.). Les aligneurs ne sont donc qu’une goutte d’eau dans un océan de déchets, mais leur impact devient notable lorsqu’on réalise le nombre croissant de patient traité par aligneurs ces dernières années. Dès lors, mieux comprendre et rationaliser leur production et leur fin de vie reste essentiel.
  • L’intérêt clinique des aligneurs
    Malgré ces questionnements écologiques, il ne faut pas oublier que les aligneurs améliorent significativement la santé bucco-dentaire et la qualité de vie des patients. Ils sont plus esthétiques et parfois plus confortables que les traitements fixes. Il serait donc regrettable de renoncer à leurs avantages thérapeutiques, ce qui nous pousse à chercher des solutions de fabrication plus vertueuses.
  • L’intérêt de l’impression 3D directe
    L’impression 3D directe d’aligneurs (sans recourir à la fabrication de modèles intermédiaires) représente une voie prometteuse, car elle réduit les étapes et les matériaux. Les déchets liés à l’impression des modèles sont grandement diminués, voire supprimés, ce qui contribue à alléger l’empreinte environnementale.
  • Le recyclage dans les « poubelles jaunes »
    Une question récurrente consiste à savoir si les plastiques des aligneurs peuvent être jetés dans les bacs de recyclage classiques. Dans la majorité des cas, ce n’est pas possible, car il s’agit de dispositifs médicaux potentiellement contaminés et composés de polymères qui ne figurent pas dans les filières de recyclage domestique standard. Il existe parfois des programmes de collecte spécifiques, mais ils sont encore peu déployés.
  • Attention à l’utopie du recyclage
    Le recyclage est souvent perçu comme la solution « magique ». Malheureusement, seule une faible partie des déchets plastiques est réellement réintégrée dans un nouveau cycle de production. Il faut donc éviter de donner l’illusion d’un recyclage « infini » et se rappeler que l’efficacité d’une filière dépend du tri, de la logistique et de la réalité industrielle du moment.
  • Bilan carbone de la logistique et du processus de recyclage
    Le transport des aligneurs, le regroupement en centre de collecte, puis le recyclage éventuel impliquent eux aussi une dépense énergétique et un impact carbone. Avant de mettre en place un large système de recyclage, il convient d’évaluer précisément si le bilan environnemental global (production + transport + recyclage) est vraiment amélioré par rapport à un circuit plus court ou à une alternative différente.
  • Imprimantes FDM et PLA biodégradable
    Au niveau des cabinets, l’utilisation d’imprimantes FDM avec du PLA (acide polylactique), qui est un matériau biodégradable, pourrait être une alternative plus durable que la résine habituelle. Même si les propriétés des modèles imprimés en PLA présente des propriétés mécaniques inférieures au modèles résines.
  • Une réflexion plus globale
    Au-delà de la simple question des aligneurs, cette démarche interroge la manière dont nous utilisons le plastique dans toutes les phases des soins dentaires. Les champs opératoires, les gobelets, les protège-crachoirs ou encore le packaging du matériel orthodontique représentent une part importante de déchets. En définitive, c’est un changement global d’approche qui s’impose, impliquant patients, praticiens, laboratoires et pouvoirs publics.

En conclusion, même si les aligneurs ne constituent qu’une fraction du vaste univers plastique qui nous entoure, ils symbolisent parfaitement l’équilibre à trouver entre innovation médicale et préservation de notre environnement. L’article montre qu’il est temps d’entamer une réflexion approfondie sur l’intégralité de la chaîne de production et d’usage, afin de concilier bénéfices pour le patient et responsabilité écologique.


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Dr Daniel Bouhnik